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Fédération des Archéologues du Talou

et des Régions Avoisinantes

La chevelure des mérovingiens

A l'époque mérovingienne, la chevelure avait une importance primordiale. Elle était le plus souvent, le reflet de la position sociale. D'un simple regard sur la longueur des cheveux, il était possible pour les contemporains des francs, d'établir l'appartenance d'un individu à la classe religieuse ou bien à la royauté. Tant pour les hommes que pour les femmes, cet attribut pouvait revêtir un aspect symbolique indispensable à la reconnaissance par autrui au sein de sa communauté.

En ces temps barbares, comme à toutes les époques, la chevelure féminine était un atout de séduction. La coiffure, dans ses diverses formes, pouvait indiquer si la femme rencontrée était libre ou mariée. Mais avoir de beaux cheveux pouvait susciter la jalousie de la part de celles qui possédaient moins d'attraits. Aussi, la vengeance pouvait-elle s'appliquer par la tonte des mèches si charmantes qui provoquaient tant d'animosité. 

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Sous le règne de Childebert II, la reine Frédégonde (543-597) voyait d'un mauvais oeil l'idylle amoureuse entre un prince et une jeune fille de plus modeste condition. Elle fit capturer l' amante indésirable, la fit dépouiller et battre. Mais, non contente de ce châtiment, elle lui fit couper les cheveux que la jouvencelle avait fort beaux. Afin de manifester son mécontentement, elle attacha la chevelure à une perche qu'elle fit planter face au logement du prince amoureux .Ce message capillaire dût sûrement porter ses fruits...

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Dès le début de l'époque mérovingienne, dans la région de Thuringe, sur les bords du Rhin, il était de coutume que chaque bourg ou ville se choisisse un roi à longue chevelure pris dans la plus noble de leurs familles. Mérovée lui même, qui donna son nom à la première dynastie des rois francs, était le fils présumé de Chlodion " le chevelu ".

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Ce signe extérieur de royauté sera respecté par les souverains qui se succédèrent durant cette période de l'histoire. Les conséquences furent bien souvent néfastes pour les futures héritiers au trône.

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Le roi Clotaire 1er eut un fils nommé Gondovald qui dût partir en exil pour échapper à la mort. En l'an 577, il revint. " Une longue chevelure, selon l'usage de ceux qui sont de la race des rois francs, tombait sur ses épaules " dit le chroniqueur de l'époque. Gondovald se présenta auprès de son oncle Childebert 1er sans que rien de fâcheux ne lui arriva. Le géniteur, Clotaire, demanda à voir son enfant, mais avec de sombres desseins. Il lui fit aussitôt couper les cheveux, niant ainsi publiquement que le garçon était de lui.

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A la mort de Clotaire, l'enfant fut accueilli à Paris; mais Sigebert (535-575}, autre fils du roi Clotaire, le fit capturer et livrer afin de lui couper de nouveau les cheveux et l'évincer ainsi du trône. Puis il l'envoya en exil dans la ville de Cologne. Mais Gondovald s'échappa et fuit en Italie en attendant des jours meilleurs, laissant croître sa chevelure.

Quelques années plus tard, il revint en France à la tête d'une armée. Cependant, il se fit sans cesse railler par les soldats ennemis qui lui criaient: " N'es tu pas celui qui a été tant de fois exilé et privé de sa chevelure par les rois francs ? ".

Lorsque les conséquences se limitaient aux moqueries et aux sarcasmes, le futur roi s'en sortait à bon compte. Mais bien souvent, l'assassinat était le dénouement dramatique de la guerre de succession.

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La reine Clotilde (474-545) eut trois fils: Childebert (495-558), Clotaire (497-561) et Clodomer (495-542). A la mort de Clodomer, elle prit sous sa protection les enfants de celui-ci. Les deux frères survivants décidèrent soit de couper la chevelure des enfants pour les évincer, les réduisant ainsi à la condition des personnes du peuple, soit de les tuer. Par supercherie, (faisant croire qu'ils voulaient élever leurs deux neveux au titre de rois), ils firent venir à eux les enfants et les emprisonnèrent. Arcadius, l'envoyé des deux oncles mécréants, se présenta devant Clotilde, tenant d'une main un poignard, et de l'autre, des ciseaux. Il demanda à la reine de se prononcer sur le sort de ses petits enfants en ces termes: " Voulez-vous qu'ils soient privés de leur chevelure ou bien égorgés ? ". Clotilde allait-elle choisir l'instrument de la dégradation ou celui de la mort ? Les longs cheveux étaient si précieux et indispensables aux futurs rois qu'elle préféra opter pour la mise à mort de ses petits fils. Ceux-ci furent promptement exécutés par leurs oncles. Ils avaient sept et dix ans.

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La reine Clotilde avait également un troisième petit fils nommé Chlodovald. Celui-ci échappa à la mort en s'exilant. Il renonça de son propre chef à la royauté. Pour ce faire, il coupa sa chevelure de ses mains afin de se consacrer à Dieu en devenant prêtre.

En effet, les cheveux courts, à cette époque, étaient l'un des signes montrant que la personne se vouait à la vie religieuse. Moines, diacres, prêtres et évêques arboraient la tonsure, marque du passage des laïques à l' état ecclésiastique.

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La prêtrise n'était pas forcément une vocation. Elle pouvait prendre la forme d'une punition et d'une mise à l'écart du trône. Ainsi, Childebert Il (570-596), roi d'Austrasie, de Bourgogne et d'Orléans, avait un fils qu'il envoya guerroyer pour soumettre le Poitou. Mais ce fut un échec militaire. De plus, le jeune prince fit un mariage que le roi n'approuvait guère. Childebert fit donc enfermer ce fils indésirable en prison, et il s'empressa de lui faire couper les cheveux, le chassant ainsi de la famille royale. Il lui fit endosser l'habit de clerc et l'obligea à devenir prêtre.

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En revanche, de longs attributs capillaires étaient un signe de déchéance chez les serviteurs de Dieu. Le prince Gondovald, précédemment cité pour s'être fait couper les cheveux contre son gré à de multiples reprises, fut, lors d'un de ses retours d'exil, hébergé par l'évêque de Cahors. Ce dernier fut excommunié pour avoir reçu dans sa maison celui qui se prétendait fils de roi. La condamnation était très sévère; mais en outre, l'évêque subit un châtiment supplémentaire: il lui rut interdit de couper ses cheveux et sa barbe durant trois années.

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Il est loisible de multiplier les exemples et anecdotes historiques démontrant le caractère fondamental de la chevelure, principalement chez les religieux et les rois de l'époque mérovingienne. La tonsure des uns et la tradition des cheveux longs pour les autres fut d'ailleurs pérennisée sous les carolingiens, et ultérieurement.

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Victor Hugo qui qualifia Charlemagne d'empereur " à la barbe fleurie " eut pu aisément versifier sur l'abondante chevelure de l'auguste souverain.





Lionel FAUGERON

Le dernier des Mérovingiens

Luminais (1822-1896)



Représentation du roi Childéric III se faisant tonsurer.

Childéric III monta sur le trône en 743, Pépin le Bref le fait tonsurer en 751 et le fait enfermer dans un monastère, mettant ainsi un terme à la dynastie des mérovingiens.

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