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Fédération des Archéologues du Talou

et des Régions Avoisinantes

La cour au temps de Clovis

A l'époque mérovingienne, le roi s'entourait d'une cour plus ou moins nombreuse possédant sa hiérarchie et ses usages. La puissance royale consistait bien moins dans l'étendue et la richesse des territoires formant le royaume, que dans le nombre d'hommes de guerre qui se rangeaient sous la protection du roi et ainsi, " obéissaient à sa bouche " selon l'expression consacrée de l'époque. Les guerriers avaient le droit de quitter le monarque et de passer sous l'obéissance d'un autre. Rien n'était stable quant à la répartition des populations qui formaient la force du roi.

La localisation de la cour



     La notion d'Etat telle que nous l'entendons à l'heure actuelle, n'existait pas sous les mérovingiens. Le royaume était alors considéré comme un patrimoine familial. Lors des successions, il était divisé entre les fils du monarque, ce morcellement entraînant de nombreuses querelles, voire des guerres ou des assassinats, afin que chacun puisse accroître sa puissance. Le règne de Clovis est caractérisé par l'unité territoriale du royaume (unité réussie grâce à de nombreux conflits et alliances).

 

     Il n'existait pas qu'un palais royal où la cour pouvait s'installer indéfiniment. Plusieurs demeures éparpillées sur le territoire accueillaient des visites temporaires du monarque. Lorsque le roi se déplaçait, la cour entière le suivait, y compris les services administratifs et judiciaires. C 'est un très important convoi qui voyageait de villa en villa. Lors de chaque séjour, ces gens consommaient sur place les produits régionaux entreposés pour l'occasion. Les problèmes de ravitaillement de ce qui constituait un véritable village, étaient ainsi évités. On empêchait par la même occasion la monotonie et l'ankylose de la vie au sein de la cour.

   Des villas royales étaient situées à Chelles, Choisy, Epineuil, Rueil, Vanves. Généralement, les palais étaient construits en bordure de forêt.      L'approvisionnement en bois était ainsi assuré pour la construction, le chauffage en hiver, la bonne marche des fours divers et la préparation des repas. C'était le cas pour les villas de Braine, Attigny, Compiègne ou Verberie.

     Les palais mérovingiens n'avaient rien des somptueuses bâtisses que l'on pourrait imaginer. En fait, ils ressemblaient plutôt à d'immenses fermes où les rois francs tenaient leur cour. Les habitations royales devaient être de vastes bâtiments élégants sensément à architecture romaine, parfois en bois. Au centre, l'on pouvait trouver le corps principal du logis, lieu de résidence du monarque. Autour de ce bâtiment devaient être implantés les logements des officiers du palais, ceux des chefs de bandes de guerriers qui, selon la coutume germanique, étaient " dans la truste du roi " (c'est à dire qu'ils avaient contracté un engagement de vasselage et de fidélité envers le souverain). Enfin l'ensemble s'achevait par des maisons plus petites, des cabanes destinées au grand nombre de familles qui exerçaient divers métiers liés à la vie quotidienne de la cour. De plus, venaient se greffer sur ces habitations, des bâtiments d'exploitation agricole. Des haras, étables, bergeries accueillaient les animaux. Des granges abritaient le fourrage et l'outillage. Les cultivateurs vivaient dans leurs masures.

 

     Ainsi pouvait-on véritablement parler de village royal regroupant les activités du quotidien et l'artisanat. Le paysan côtoyait l'orfèvre, le guerrier et le prince.
     

     Le palais en lui même était naturellement le lieu principal, le centre politique du " village " royal. Le roi y gardait un coffre de richesses destinées aux dépenses diverses ou pour recevoir les produits de ses activités. Le trésor royal était composé d'objets (d'art ou autres), de bijoux et de pierres précieuses, de pièces d'or et d'argent, issus généralement des pillages des villes conquises (ce que l'on appelait " la part du roi "), des confiscations, des présents offerts par les ambassadeurs ou autres grands personnages. Il comprenait également le produit du fisc, les tributs versés par les peuples vaincus, les revenus des impôts, taxes et domaines. Ces richesses appartenaient au roi en propre. Celui-ci accomplissait en son palais les principaux actes de la puissance royale. Il y convoquait les évêques en synode ; il y recevait les ambassadeurs des souverains étrangers ; il y présidait les assemblées de la nation franque (quand il n'était pas appelé au loin par la guerre).

 

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     Autre lieu qui revêtait une importance toute particulière au sein du palais : la salle à manger. On peut supposer que de vastes tables étaient installées dans une grande pièce, considérant le nombre de personnes qui se rassemblaient à chaque repas. Les vassaux et les convives devaient s'asseoir à la table du roi par rang d'âge ou de dignité. L'étiquette avait son importance. Un certain nombre de coutumes venaient également régler le rituel des repas. Les règles de politesse franque voulaient qu 'un invité de marque ne quitte pas le roi sans avoir pris quelque chose à sa table.

 

Ayant spécifié que les palais royaux étaient de véritables villages, cela laisse supposer que la cour se composait d'un grand nombre de personnes de rangs et obligations divers. Le détail de cette population est révélateur de l'organisation sociale de l'époque.



La composition de la cour

 

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     La cour au temps de Clovis était composée d'une multitude de personnes qui toutes, étaient attachées au service personnel du roi. Les permanents à la cour étaient qualifiés d'AULIQUES et de PALATINS. Ils bénéficiaient de la protection spéciale du roi, que l'on appelait alors la MAINBOUR., et de ses faveurs. Ce n'était pas gratuit, car en échange, ils devaient remplir un certain nombre de missions civiles ou militaires qui leur étaient allouées.

 

     Clovis ayant été baptisé, son attachement à la religion n'était pas à négliger. Cela laisse présumer de l'importance de la chapelle royale. Des évêques et des abbés en avaient la responsabilité. Ils avaient la charge de leurs offices (messes, confessions…), mais aussi parfois le rôle de conseils auprès du roi. Tout un chacun connaît à travers la comptine enfantine, les rapports privilégiés qui liaient Saint Eloi à son roi Dagobert.

 

     On trouvait également dans l'entourage du roi, les ducs et les comtes, hauts personnages dans la hiérarchie franque. Sans être permanents à la cour, ils y séjournaient en étant simplement de passage, ou bien pour avoir été convoqués par leur souverain.

 

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   L'administration mérovingienne était centralisée dans le palais. Les fonctionnaires étaient appelés MINISTERIALES ou MINISTRES. Ils étaient peu nombreux. Ils n'étaient pas payés, mais en compensation de leur travail, ils avaient coutume de recevoir des cadeaux, ou bien des concessions de terres. Parmi eux, on trouvait le maire du palais. Il avait le rôle d'intendant. Il s'occupait de l'organisation matérielle et de la gestion de certains domaines. De plus, il était le chef de la domesticité. Les affaires portées en justice étaient sous la responsabilité du comte du palais. Ce ministre dirigeait le tribunal du roi. Le trésorier, lui, avait la garde du trésor royal. C'était un rôle de confiance accordé à un proche du roi pour la haute responsabilité que cela incombait. Le référendaire, quant à lui, était responsable de la chancellerie. Il gérait les impôts. Il avait pour rôle le commandement de l'ensemble des scribes qui travaillaient au palais.

 

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     Autre catégorie de personnages importants trouvés au palais : les LEUDES (ou vassaux). Les plus dévoués étaient ceux qui habitaient près du roi, formant sa garde permanente. Ils recevaient pour salaire la vie commune à la table du souverain, ou bien ils étaient payés sur les fruits du domaine royal.

 

Ceux qui avaient l'honneur de manger au quotidien à la table du roi étaient appelés les CONVIVES. C'était considéré à l'époque comme un privilège réservé à une élite.

 

     L'importance du travail administratif justifiait la présence d'un grand nombre d'officiers inférieurs qui aidaient les hauts personnages dans leurs tâches quotidiennes. Il convient cependant de préciser qu'au cours de l'époque mérovingienne, on a vu une évolution du conseil du roi. A l'origine, le monarque s'entourait d'un conseil composé selon son gré (donc variable) avec les ministériales et des évêques. Mais plus l'absolutisme du roi a grandi, moins l'utilité d'un tel groupe de travail s'est fait sentir.

 

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     Viennent ensuite toutes les personnes que l'on pourrait qualifier de petit personnel. Tous les corps de métier étaient représentés à la cour. Ces personnes étaient désignées sous le nom de LITES en langue tudesque, ou FISCALINS en langue latine. Tous ces gens étaient placés sur un même rang social. A signaler par ailleurs que le roi choisissait souvent ses maîtresses parmi les filles des fiscalins. Ainsi, des filles de basse naissance pouvaient facilement passer au rang de concubine, voire d'épouse ou même de reine.

 

     Chacun avait sa spécialité et ses tâches précises à accomplir. Ainsi trouvait-on des cuisiniers, boulangers, sommeliers et échansons. Les chambrières et cubiculaires travaillaient dans les habitations. Le roi possédait sa garde personnelle et son escorte (militaire ou non). Des médecins étaient présents pour soigner blessés et malades. Les tisserands et les brodeuses s'occupaient de l'habillement en compagnie des cordonniers. Le maréchal était responsable des écuries royales. Il dirigeait les maréchaux-ferrant, les valets d'écurie et les corroyeurs. Les forgerons côtoyaient les armuriers. Des orfèvres s'occupaient de la bijouterie et de l'artisanat du métal.

 

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     Des groupes à part demeuraient aussi à la cour . C'était le cas des NOURRIS, dénomination donnée aux enfants des grandes familles dont on confiait l'éducation au roi. On les appelait également enfants d'honneur ou pages.

 

Enfin, les ANTRUSTIONS formaient l'autre groupe spécifique. C'était l'ensemble des guerriers d'élite qui avaient prêté serment " dans les mains du roi ", lui jurant fidélité et promettant de le servir corps et âme. Ils formaient un bataillon sacré. Ils n'avaient rien à voir avec les gardes du roi.

 


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     L'époque mérovingienne a vu une importante évolution des pouvoirs des hauts personnages vivant à la cour. La qualité de palatin permettait de s'enrichir rapidement, et donc d'intégrer la nouvelle aristocratie. Sous Childebert II, les auliques ont profité de la minorité du roi pour usurper certains droits et s'enrichir à ses dépens. Ce fut surtout le cas pour les maires du palais (notamment après le règne de Dagobert) qui devinrent les chefs de l'aristocratie, s'arrogeant des pouvoirs régaliens. Véritable chef de l'administration, le maire du palais nommait les ducs et les comtes, agréait les évêques, pourvoyait aux divers sièges vacants, recevait les ambassades et correspondait avec les cours étrangères. C'est lui qui décidait de la paix ou de la guerre. Il avait pour subordonnés le comte du palais, les référendaires et les hauts officiers. Il gouvernait au nom du roi, ce dernier se contentant de signer les documents officiels. En conséquence, l'on a vu apparaître l'épithète de rois " fainéants ", ce qui n'avait rien à voir avec la paresse. Simplement, le roi " fait néant " n'avait le droit de ne rien faire, ayant perdu ses pouvoirs au profit du maire du palais.

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Lionel FAUGERON

 

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