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Fédération des Archéologues du Talou

et des Régions Avoisinantes

Les représentations de Mercure d'après les bronzes figurés

Les figurations de Mercure héritées des modèles de Polyclète

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Le prototype
Dans la plupart des cas, le dieu est représenté debout, en position de repos, les cheveux courts et bouclés, imberbe, porteur à droite de la bourse, à gauche du caducée. Le caducée est très souvent absent des bronzes figurés découverts ; pièce coulée à part et rapportée, elle est d’autant plus facile à être perdue. Le Mercure nu, largement diffusé en Gaule, devrait être considérer comme typiquement grec. Il faudrait y voir des rapports avec l’oeuvre de Polyclète ou de son frère Naucy (L’Hermès de Xénoclès est également nu : oeuvre d’un sculpteur de la même école), (Fig. 1).



A l’époque romaine, les figurations de Mercure adoptent de nombreuses variantes, que l’on doit à l’interprétation du créateur. Les variantes apparaissent autour du port et de la disposition de la chlamyde (le manteau court du voyageur grec), du port des endromides (chaussures), le port du pétase (chapeau ailé du messager), l’appui de la jambe, et l’orientation de la tête.


Variantes sur le thème principal : exemples de la disposition de la chlamyde
La quantité des prototypes grecs répartis sur plusieurs siècles et repris à l’époque romaine a favorisé de nouvelles familles de figurines. La variante principale apparaît dans le port et la disposition de la chlamyde.

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La chlamyde pliée en deux

Elle est posée sur le devant de l’épaule gauche. Les deux pans, rejetés en arrière, passent sur l’avant bras et retombent le long du corps. Le vêtement est en quelque sorte enroulé autour du bras (Fig. 2).



La chlamyde disposée en sautoir

Le pal passant derrière l’épaule gauche est rejeté sur l’avant-bras droit (Fig. 3).



La chlamyde couvrant l’avant et l’arrière du corps

Elle est agrafée sur l’épaule droite et peut-être plus ou moins longue (Fig. 4).



Le modèle grec s’estompe peu à peu et fait place en Gaule à de nouveaux liens constitués par des habitudes d’ateliers. Les sculpteurs gaulois ont introduit des traits particuliers.


L’assimilation gauloise

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Le schéma typiquement local
Mercure complètement nu, présente ses ailes de messager directement implantées dans sa chevelure au lieu d’être posées sur son chapeau. Il tient la bourse par le dessous, main droite ouverte, au lieu de la serrer par le haut comme il était d’usage habituellement (Fig. 5).



Le modèle pourrait être en relation avec le Mercure de Zénodore. Ce sculpteur grec exécuta en effet une statue colossale de 33 mètres de hauteur pour la cité des Arvernes en 50-55 ap. J.-C., sur le sanctuaire du Puy-de-Dôme. En Italie, ces deux caractères sont quasi absents, et lorsque qu’ils le sont le dieu ne tend pas une bourse, mais une tortue ou une patère. L’abondance des petits bronzes figurant Mercure nu tenant une bourse dans la main s’expliquerait par un modèle très populaire (le Mercure de Zénodore).

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Variantes sur le schéma local

Comme pour le schéma polyclétéen, le modèle basé sur le schéma local adopte des variantes autour du port de la chlamyde (Fig. 6).



​Mercure et les animaux

Dans les représentations des divinités du panthéon romain, les rapports avec les animaux se précisent et se spécialisent en abandonnant ce côté sauvage/indigène que l’on pouvait voir avec l’insertion d’attributs comme l’oreille animale. Les animaux associés à Mercure sont le coq et le bouquetin (Fig. 7). En Italie on lui associe également la tortue, référence à un épisode mythologique dans lequel Mercure récupère la carapace d'une tortue pour fabriquer la première lyre. La tortue symbolise alors l'ingéniosité du dieu.



L’interprétation gauloise

Si la plupart du temps, les représentations respectent le schéma classique, certaines figurations sortent du modèle courant.



​Mercure "accroupi"​
Si des bronzes du dieu en position assise existe (rien de gaulois fig. 9), le seul qui témoigne vraiment d’une interprétation gauloise est celui de Pouy-de-Tougues (fig. 10). Le dieu est accroupi porte des braies, et une chlamyde qui lui couvre tout le corps. Il est coiffé d’un pétase pourvu de deux appendices incomplets (oreilles animales, bois de cerfs ?). Il ne peut s’agir des ailerons car la base est trop mince. La position accroupie est comparable à une série de divinités gauloises. Strabon et Diodore de Sicile s’étonnaient devant l’attitude gauloise de s’asseoir à terre. Cet attribut animal et la position accroupie sont les seuls témoins de l’influence celtique sur les représentations de Mercure.​



Mercure et ses deux compagnes

Mercure, tout comme Apollon et Mars, s’est vu doté d’une compagne qui était appelé selon les inscriptions Rosmerta ou Maia. L’iconographie des petits bronze est assez pauvre (- de 10) et les données proviennent surtout de reliefs et d’inscriptions.

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Rosmerta

Rosmerta est gauloise. Deux représentations en sont connues. Celle de Clermont-Ferrand présente la parèdre de Mercure debout portant les ailerons dans la chevelure. Elle tend la bourse de la main droite et devait porter le caducée à gauche. Elle porte une longue tunique cintrée à la ceinture, le capuchon dont un pan passe devant passe sur le bras gauche. Fig. 11.



Maia

Maia dans la mythologie grecque est la mère d’Hermès. La figurine des Fins d’Annecy représente une déesse assise sur un rocher qui tient une bourse dans la main gauche et porte les ailerons de Mercure disposés en diadème dans la chevelure. Elle porte une longue tunique cintrée au-dessous de la poitrine. Fig. 12.



Par ces deux exemples, l’iconographie attribue les emblèmes du dieu (bourse, ailerons, et caducée) à la déesse. Il est très difficile et en particulier d’après les petits bronzes de savoir quelle est la part de Rosmerta et celle de Maia. Maia serait plus conforme à l’image de la religion officielle tandis que Rosmerta offre l’image d’une assimilation plus autochtone.




Conclusion

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Au contact des dieux romains et des dieux gaulois : l’effet de syncrétisme. Les représentations de Mercure en Gaule illustrent bien cette fusion entre deux panthéons. Mercure, comme les autres divinités romaines a été adopté par les Gaulois et répond souvent au schéma classique gréco-romain et au schéma typique local avec une variété de familles qui illustrent sa popularité. Mais peu à peu, le modèle grec s’estompe ou plutôt se dégrade face aux impératifs locaux. De nouveaux modèles apparaissent avec des traits bien particuliers (notamment dans les gestes, ailerons). Des modèles hors normes comme les attributs animaux, la position accroupie témoignent des différences cultuelles et religieuses de deux cultures et de l’interprétation celtique de Mercure. Le couple mixte (seul Jupiter est toujours représenté avec son épouse Junon) est aussi un trait caractéristique indigène. Le panthéon romain, en particulier pour Mercure, a très peu fait l’objet d’interprétation indigène. Les divinités romaines s’ancrent dans la société gallo-romaine.





Sophie Devillers

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ORIENTATION BIBLIOGRAPHIQUE


* BENOIT F., 1959, Mars et Mercure. Nouvelles recherches sur l’interprétation gauloise des divinités romaines, Publication des Annales de la Faculté des Lettres, n° 25, Aix-en-Provence, 1959.BENOIT F., 1969, Art et dieux de la Gaule, Paris, 1969.

* BONNET J., CARBONNIÈRES Ph. de, FAUDIN L. et al., 1989, Les bronzes antiques de Paris, Musée Carnavalet, Paris, 1989.

* BOUCHER S., 1971, Vienne. Bronzes antiques, Inventaire des collections publiques françaises, 17, Paris, 1971.

* BOUCHER S., 1976, Recherches sur les bronzes figurés de Gaule pré-romaine et romaine, Bibliothèque des Écoles Françaises et d’Athènes de Rome, n° 228, Rome, 1976.BOUCHER S., 1978, Les dieux de la Gaule d’après les monuments de bronze, in Dossiers de l’Archéologie, n° 28, mai-juin 1978, Dijon, p. 42-57.

* BOUCHER S. et J.-P., 1988, Musée d’Evreux, collections archéologiques. Bronzes antiques - I - Statuaire et inscriptions, Evreux, 1988.

* COMBET-FARNOUX B., 1980, Mercure romain. Le culte public de Mercure et la fonction mercantile à Rome de la République archaïque à l’époque augustéenne, Bibliothèque des Écoles Françaises et d’Athènes de Rome, n° 238, Rome, 1980.

* DEYTS S., 1992, Images des dieux de la Gaule, Errance, Paris, 1992.

* DUVAL P.-M., 1957, Les dieux de la Gaule, PUF, Paris, 1957, réed. 1976.

* ESPÉRANDIEU E., ROLLAND H., 1984, Bronzes antiques de la Seine-Maritime, Gallia, XIIIe suppl., CNRS, Paris, 1984.

* FAIDER-FEYTMANS G., 1957, Recueil des bronzes de Bavai, Gallia, VIIIe suppl., CNRS, Paris, 1957.

* KAUFMANN-HEINIMANN A., 1983, Römische Bronzestatuetten aus Augst und Kaiseraugst, Augsster Museumshefte, 5, Augst, 1983.

* OGGIANO-BITAR H., 1984, Bronzes figurés antiques des Bouches-du-Rhône, Gallia, XLIIIe suppl., CNRS, Paris, 1984.

* SENNEQUIER G., KAUFMANN-HEINIMANN A., 1998, "Un ensemble de statuettes en bronze trouvées à Rouen en 1990", Bulletin archéologique du CTHS : Antiquité, Archéologie classique, fasc. 26, Paris, 1998, p. 65-84.

   Mercure est le premier dieu nommé par César. Cette place semble confirmée par les nombreuses représentations et l’abondance de ses figurations (plus de 350 statues et bas-reliefs).Mercure est identifié au dieu grec Hermès (guide des voyageurs, patron des marchands et des voleurs et le messager des dieux), dont il prend les attributs et les légendes. Mercure apparaît comme le dieu du commerce et des voyageurs ; caractère que l’on retrouve dans son propre nom : merx : marchandises et mercari : trafiquer. Aucune légende romaine ne semble s’y rattacher. Acteur dans l’amphitryon de Plaute, il y incarne le rôle de transmetteur dans les aventures amoureuses de Jupiter. Mercure – divinité du Négoce – est dans la majorité des cas inspirés des figurations gréco-romaines introduites en Gaule.
   La popularité de Mercure et la circulation de ses modèles donnent lieu à une variété de familles de la part des artisans bronziers. L’assimilation de ces nouvelles pratiques religieuses, dans un territoire aussi culturellement riche, a laissé de nombreuses traces.

Fig. 1 : Mercure (ht. 9 cm),

musée de Vienne
Respect de la proportion du corps athlétique (équilibrée et harmonieuse)
(Source : S. Boucher, 1971, p. 56, Vienne, Bronzes Antiques)

Fig. 2 : Variante sur le thème principal, "la chlamyde pliée en deux", inspiré du modèle polyclétéen.
La chlamyde posée et retenue en partie sur l'épaule gauche par une fibule ronde, retombe en grands plis par devant et par derrière
(pétase ailé, bourse à trois glands, endromydes).
Dépôt actuel inconnu (Provenance : Marseille, dessin : Musée Borely de Marseille).
(Source : Oggiano-Bitar, 1984, Bronzes figurés antiques des Bouches-du-Rhône, n°191).

Fig. 3 : Variante sur le thème principal: â€‹

"la chlamyde disposée en sautoir".
Les deux pans de la chlamyde sont agrafés sur l'épaule droite par une fibule. Le pan est rejeté sur l'avant-bras droit.
(Provenance : Pfofeld-Allemagne).
(Source : Boudru s., 1976, n° 184).

Fig. 4 : La chlamyde couvrant l'avant et l'arrière du corps.
La chlamyde, dont les deux pans sont agrafés sur l'épaule droite, peut être plus ou moins longue.
Ht. : 9,5 cm., Musée des Antiquités de Rouen.
(Provenance : Rouen, 1839, rue des Carmes, ancienne collection Thaurin).
(Source : Espérandieu E., Rolland H., 1984, Bronzes antiques de la Seine-Maritime, Pl. XI, n° 29).

Fig. 5 : Le schéma typiquement local. Mercure entièrement nu, présente la bourse dans la paume de sa main droite,
les ailes du messager directement dans sa chevelure.
(Provenance : Pingjum, Pays-Bas).
(Source : Boucher S., 1978, p. 48).

Fig. 6 : Le schéma typiquement local, variante. Mercure nu, ses ailes de messager directement dans la chevelure.
Il tient la bourse dans la paume de sa main droite, la chlamyde pliée en deux sur l'épaule gauche.
Ht. : 11,5 cm., Musée des Antiquités de Rouen.
(Provenance : Rouen, ancienne collection Thaurin).
(Source : Espérandieu E., Rolland H., 1984, pl. XI, n° 26).

Fig. 7 : Mercure et les animaux.
Mercure sur le schéma local accompagné de ses animaux : le bouquetin et le coq.
Musée des Antiquités de Rouen.
(Provenance : Rouen, fouille du tunnel Saint-Herbland en 1990, associé à quatre autres statuettes, Jupiter, Mars, Lare, Victoire - Cliché : Y. Deslandes).
(Source : Sennequier G., Kauffmann-Heinimann A., 1998, p. 70, fig. 4).

Fig. 8: Mercure assis,
A côté de son pied gauche on peut observer une tortue
Musée des Antiquités de Rouen.Inv. 589.3
(Provenance : Epinay près de Neuchâtel).

Fig. 9: Mercure en position assise, schéma polyclétéen.
Il porte le pétase ailé, et est totalement nu, assis sur un rocher.
Ht. : 17,5 cm.
(Provenance : Augst, Suisse).
(Source : Kaufmann-Heinimann A., 1983, p. 29).

Fig. 10: L'interprétation gauloise.
Mercure accroupi vêtu de braies, portant une pétase, oreilles animales (?).
(Provenance : Pouy-de-Touges, Haute-Garonne).
(Source : Boucher S., 1978, Dossiers de l'Archéologie, p. 55).

Fig. 11 : Mercure et ses compagnes.
Rosmerta debout porte les ailerons dans sa chevelure et tend une bourse dans sa main droite,
et devait porter un caducée dans sa main gauche.
(Provenance : Clermont-Ferrand).
(Source : Boucher S., 1978, p. 48).

Fig. 12 : Mercure et ses deux compagnes.
Maia (?) assise sur un rocher, tenant une bourse dans la main gauche et les ailerons dans la chevelure.
Ht. : 10 cm., Musée du château d'Annecy.
(Source : Deyts S., 1992, p. 121).

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